Jean-Paul Agon, Pdg de L’Oréal et Nathalie Roos, présidente Europe de Mars se sont tous deux engagé dans la bataille de la parité dans leur entreprise. Et pourtant, ils ne sont pas toujours d’accord l’un avec l’autre sur la définition des qualités propres aux femmes ! Interview croisée de ces deux dirigeants de grands groupes internationaux
Management : Les femmes sont-elles meilleures que les hommes ?
Nathalie Roos : Oui, sans hésiter ! [Elle éclate de rire] Non, je plaisante, bien sûr.
Jean-Paul Agon : C’est une fausse question. Je pense que le talent est indifféremment réparti entre les hommes et les femmes.
Management : Un jour, une femme pourrait donc être à la tête de L’Oréal ?
Jean-Paul Agon : J’en suis convaincu. Je ne vois aucune raison pour que ce ne soit pas le cas. L’Oréal est une méritocratie. Il n’y règne aucun clan, aucune caste, aucun préjugé ni a priori. Ça se jouera donc au mérite.
Nathalie Roos : Je crois quand même que ce n’est pas si simple. Car il subsiste une forte barrière à l’entrée pour les femmes : celle du manque de confiance en elles. Chez Mars, nous avons du mal à en recruter parmi les « general managers », en partie parce qu’elles ne s’en sentent pas capables. D’une manière générale, elles doutent d’elles-mêmes plus souvent que les hommes.
Management : Les femmes manqueraient de confiance en elles ?
Jean-Paul Agon : Je ne trouve pas que ce soit très visible.
Nathalie Roos : Je rencontre tous les jours des femmes qui en sont encore à se demander comment elles peuvent réussir en tant que femmes.
Management : Vous-même, c’est une question que vous ne vous êtes jamais posée ?
Nathalie Roos : Jamais. J’ai toujours su imposer mes priorités. Quand j’ai été embauchée chez Mars, je n’ai jamais caché que je voulais fonder ma famille en Alsace. J’ai toujours refusé de déménager et de trop voyager à certaines époques, et aujourd’hui je suis en charge de douze pays européens sauf la France… tout en étant basée en France !
Jean-Paul Agon : Quant à moi, même si j’ai beaucoup vécu à l’étranger, j’ai eu la chance d’avoir une famille qui m’a suivi. Par ailleurs, j’ai toujours dîné avec mes enfants le soir, je les ai toujours accompagnés à l’école le matin, j’ai toujours pris des vacances avec eux… Je ne crois pas que les entreprises exigent de leurs collaborateurs le sacrifice de leur vie personnelle, au contraire : elles respectent ceux qui concilient les deux.